
par Mondoweiis et Qassam Muaddi
La «ligne jaune» qui divise Gaza en deux est censée être temporaire selon le plan de «paix» de Trump. Toutefois, le fait que ces termes ont été laissés volontairement vagues suggère que la division de Gaza était la finalité depuis le début.
Aujourd'hui, Gaza est divisée en deux. L'une est gouvernée par le Hamas, qui exerce de facto le pouvoir dans la bande de Gaza et qui représente environ 47% du territoire, et les 53% restant est sous le contrôle militaire total de l'armée israélienne.
Ces deux zones sont séparées par une frontière invisible, appelée «la ligne jaune», qui coupe Gaza à la moitié. Bien qu'Israël ait déployé ces blocs jaunes en béton à travers Gaza pour délimiter cette ligne, celle-ci est supposée être temporaire. Mais ce qui la rend bien réelle est le nombre de personnes qui sont tuées à proximité.
Selon l'accord de cessez-le-feu en vigueur négocié par le président des USA, Trump, cette ligne de retrait «temporaire» est censée reculer à la fin de la première phase du cessez-le-feu, qui approche de son premier mois. Des négociations sont en cours pour passer à la deuxième phase, mais des déclarations et des rapports récents indiquent que la division actuelle pourrait devenir permanente.
Par ailleurs, il y a aussi une autre chose à considérer, qui est encore plus inquiétante : et si la division de Gaza était le but ?
Qu'il y a-t-il des deux côtés de la ligne jaune ?
La ligne jaune traverse Gaza du nord au sud, la divisant en deux. À l'ouest de cette ligne se trouve la zone d'où l'armée israélienne s'est retirée, comprenant les principaux centres urbains où se concentre la plupart de la population déplacée de Gaza. C'est également là que les éléments armés du Hamas ont refait surface publiquement et tentent de rétablir l'ordre et l'état de droit dans la bande de Gaza.
À l'est de la ligne se trouve la zone contrôlée par l'armée israélienne, qui couvre la majeure partie du nord de Gaza, tout Rafah ainsi que les parties orientales de l'ensemble du territoire. Selon l'accord de cessez-le-feu, l'armée israélienne restera stationnée dans cette zone jusqu'à la fin de la phase 1 et devrait se retirer lors de la deuxième phase. À terme, elle est censée se retirer complètement de la bande de Gaza.
Pour y parvenir, la deuxième phase prévoit des négociations sur la fin définitive de la guerre, y compris le transfert du contrôle de l'administration de Gaza par le Hamas à un autre organe ainsi que le désarmement de sa branche armée. Le Hamas s'est déjà engagé à respecter la première condition, conjointement avec toutes les autres factions palestiniennes, qui ont accepté la formation d'un comité technocrate de Palestiniens non encartés qui gouvernerait Gaza sous l'égide d'un «Conseil de paix» présidé par Trump.
Concernant la deuxième condition, le désarmement, le Hamas a dit qu'il ne rendrait pas les armes avant l'établissement d'un État palestinien. Mais, hier même, Musa Abu Marzouk, un haut responsable du Hamas, a fait preuve de souplesse sur le sujet lorsqu'il a dit que le Hamas serait prêt à négocier la remise des armes en capacité de frapper au-delà des frontières de Gaza, mais qu'ils conserveraient des armes à faible portée pour assurer le maintien de la sécurité.
«Ils ont installé cette «ligne jaune» pour que les gens ne puissent pas y aller, mais pourquoi on ne pourrait pas ?», s'interroge un homme palestinien au nord de Gaza près de la frontière. «Nos maisons sont là. Nous ne pouvons même pas traverser pour prendre des vêtements d'hiver».
Cette partition, instaurée lors de la première phase du cessez-le-feu négocié par les États-Unis en octobre 2025, divise désormais Gaza. Les forces d'occupation israéliennes maintiennent le contrôle sur environ 60% de la bande. L'occupation israélienne a peint en jaune des blocs de béton toutes les quelques centaines de mètres pour marquer les nouvelles limites de l'occupation, rendant des quartiers autrefois animés comme celui de Beit Hanoun, Jabalia, et Al-Shujaiyah en zones militarisées interdites d'accès. Les civils sont la cible de tirs lorsqu'ils tentent de s'en approcher, ne serait-ce que des décombres de leurs maisons. De nombreux Palestiniens se demandent si la «ligne jaune» sera utilisée pour une annexion progressive sous le prétexte du cessez-le-feu, en accentuant encore plus la division et le déplacement.
La réalité est que le plan en 20 points de Trump reste floue sur les détails, et peut-être intentionnellement. Le plan est globalement divisé en trois phases, et les étapes pour l'accomplissement de chacune laisse de nombreuses questions sans réponse. Faute de mécanismes d'exécution, qui conditionnent le retrait israélien à la vérification du désarmement du Hamas, le plan est truffé d'écueils. En effet, Israël pourrait prétendre que le Hamas aurait violé les termes de l'accord et ainsi reporter indéfiniment son retrait de Gaza.
Nous en avons déjà eu un aperçu. La semaine dernière, l'armée israélienne a repris ses bombardements sur Gaza pendant plusieurs heures, tuant 100 personnes en une seule journée après la mort d'un soldat israélien.
Israël affirme que le désarmement inconditionnel du Hamas est une condition préalable pour passer à la deuxième phase du cessez-le-feu. Le problème est que ce que ça signifie n'est pas très clair. Rien dans le plan de Trump ne spécifie les étapes selon lesquelles le Hamas devrait se désarmer, et il n'est pas clair si le désarmement comprend les armes légères, ni selon quel calendrier, ni à qui elles seraient remises.
Israël a choisi de définir le désarmement comme un processus pouvant prendre des années. Le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a déclaré que désarmer le Hamas impliquait le démantèlement de toute son infrastructure militaire, y compris son énorme réseau de tunnels et d'ateliers de fabrication. Ce qui rend ceci encore plus compliqué est que l'étendue exacte de cette infrastructure est le produit de pure spéculation, et qu'Israël a été incapable de le démanteler pendant les deux ans de mobilisation totale de ses forces. Ceci laisse à Israël la possibilité, à tout moment, d'affirmer que le Hamas ne s'est pas complément désarmé.
Le but est la division de Gaza
Cette ambiguïté est intentionnelle. Elle laisse à Israël et aux États-Unis la liberté d'interpréter la signification du plan afin de l'adapter à leurs respectifs intérêts. Pour l'instant, ces intérêts semblent être le prolongement de la ségrégation de facto de Gaza.
Mais si le flou des propos de Trump est intentionnel, alors le plan est bien le partage de Gaza.
De récentes déclarations de responsables des États-Unis laissent penser que c'est la direction des choses. Lors de sa visite en Israël il y a deux semaines, le vice-président des États-Unis JD Vance a déclaré que les Palestiniens devraient pouvoir se déplacer à une «zone libre de Hamas» au sud de Gaza «dans les deux prochains mois». Pendant la même visite, Jared Kushner a affirmé qu'aucune reconstruction n'aurait lieu dans aucune zone toujours contrôlée par le Hamas.
Dimanche dernier, le journal Times of Israel a révélé que les États-Unis envisagent la construction d'une «nouvelle Gaza» dans la zone contrôlée par Israël et planifient la construction d'environ six zones résidentielles. Le journal a également rapporté que des représentants des pays donateurs qui se sont engagés à financer la reconstruction, principalement des États du Golfe, ont exprimé leur scepticisme quant à la faisabilité d'un tel plan.
Face à l'impasse actuelle, l'ambiguïté délibérée du plan de Trump prépare le terrain pour que la Ligne Jaune devienne permanente. Nous assistons au déploiement d'un plan de division du territoire de Gaza de sorte à accomplir les objectifs qu'Israël a dit vouloir atteindre depuis des mois : déplacer les Palestiniens vers des zones spécifiques, dépeupler les principaux centres urbains de Gaza et placer l'ensemble de la bande sous le contrôle des États-Unis et ainsi ouvrir la voie aux mega-investissements.
source : Mondoweiss via France-Irak Actualité